Le Knowledge Management (KM) est l’enjeu invisible de notre transformation IA. Derrière chaque projet se cachent des équipes épuisées à chercher l’information, des expertises qui partent sans laisser de trace, des nouveaux qui mettent des mois à devenir autonomes. L’IA amplifie tout : nos forces comme nos failles.

Le Service Desk de SPIE ICS – 3300 collaborateurs, 140 agents en centre de support – illustre cette réalité. Dans un métier où turnover et usure sont la norme, ils ont réussi à diviser le turnover par deux tout en réduisant de 73% le temps de recherche d’information. Leur secret ? Bâtir les fondations du KM avant de déployer l’IA.

Leur retour d’expérience à la Convention ADIRA 2025 révèle comment transformer votre patrimoine intellectuel en actif stratégique. Vous découvrirez les 4 transformations du KM augmenté par l’IA, les résultats mesurables obtenus, et la méthodologie pour bâtir un “knowledge engine” qui renforce votre antifragilité organisationnelle.

Tabe des matières

Knowledge management : l’investissement stratégique avant de déployer l’IA

L’intelligence artificielle occupe toutes les conversations stratégiques. Pourtant, derrière chaque projet d’IA réussi se cache une réalité moins glamour mais fondamentale : la qualité de la gestion des connaissances. Car si la data est souvent présentée comme “le carburant de l’IA”, c’est oublier un peu vite le cheminement qui mène de la donnée brute à la connaissance applicable et créatrice de valeur.

Une donnée, c’est un élément à l’état brut, de qualité variable, parfois même toxique. L’information, elle, émerge lorsqu’on structure cette donnée dans un contexte d’entreprise. Mais la connaissance va plus loin : elle intègre les facteurs humains et organisationnels pour créer du sens pour l’organisation. C’est cette connaissance, véritable patrimoine immatériel, qui devrait être au cœur des préoccupations stratégiques.

Lors d’ateliers organisés dans le cadre de la Convention de l’ADIRA, Elium et SPIE ICS ont partagé leur vision et leurs retours d’expérience sur ce sujet crucial. Au-delà des concepts, c’est une transformation concrète du quotidien des équipes qui se dessine, avec des résultats mesurables à la clé. Plus encore, c’est une question de robustesse organisationnelle : construire des organisations qui non seulement résistent aux crises, mais en sortent renforcées — ce que Nassim Nicholas Taleb, auteur de la théorie du cygne noir, appelle l’antifragilité.

La connaissance : ce qui permet de résoudre un problème qu’on n’a jamais vu ou qu’on a oublié, grâce à l’expérience de ceux qui l’ont déjà résolu. Sans elle, chaque crise recommence à zéro.

Service desk : transformer un métier en tension grâce à la gestion des connaissances

Le partenariat entre SPIE ICS, ESN majeure de l’infogérance sur le territoire français, et Elium, éditeur SaaS belge spécialisé dans le knowledge management depuis 15 ans, illustre parfaitement la complémentarité entre vision terrain et expertise technologique.

Le défi : fragmentation et obsolescence

Chez SPIE ICS, le constat initial reflétait une problématique courante dans de nombreuses organisations : les connaissances étaient dispersées entre plusieurs plateformes telles que Teams, OneNote et divers serveurs de fichiers. Cette fragmentation rendait difficile l’accès rapide à l’information et compliquait la collaboration entre les équipes.

Pascal Coquerel, responsable du développement de l’infogérance, souligne que “lorsque la connaissance est uniquement stockée sur un serveur de fichiers, on ne travaille pas dans un même contexte. Il s’agit alors simplement de gestion de contenu, sans véritable dynamique de partage ou d’évolution.”

Cette situation entraîne plusieurs défis majeurs, notamment la difficulté à gérer l’obsolescence des informations et à assurer leur mise à jour régulière. En effet, sans un système centralisé et structuré, les documents peuvent rapidement devenir obsolètes, ce qui nuit à la qualité des décisions et à l’efficacité opérationnelle.

L’approche : du silo à l’intelligence collective

Pour répondre à ces enjeux, SPIE ICS a cherché à mettre en place des solutions favorisant une meilleure organisation des connaissances, facilitant leur actualisation et leur diffusion auprès des collaborateurs, afin de renforcer la performance collective. SPIE ICS a déployé une solution intégrant leur outil ITSM et la plateforme Elium pour transformer son service desk. À noter qu’Elium s’intègre avec tout type d’ITSM du marché : EasyVista, GLPI, JIRA, ServiceNow, Zendesk, et bien d’autres.  

Le service desk de SPIE ICS, basé à Toulouse, gère plus de 540 000 sollicitations annuelles , avec une équipe de 140 personnes. Les bénéfices mesurables de cette transformation seront détaillés plus loin, mais retenez déjà que c’est toute la philosophie du travail qui évolue. “L’individu, un agent de son service, travaille au service de son client, mais travaille désormais plus facilement au service du collectif”, souligne David Matrat, consultant chez SPIE ICS. “Il participe à une bourse commune de connaissances.”

Cette approche illustre parfaitement ce qu’est une performance équilibrée : des gains opérationnels qui ne se font pas au détriment des équipes, mais qui au contraire améliorent leur quotidien. Une performance durable, parce que construite sur le bien-être et la valorisation des collaborateurs dans un métier en tension.

Les 4 transformations du knowledge management augmenté par l’IA

KM traditionnel vs augmenté

Transformation 1 : de la recherche de documents à l’obtention de solutions

Le knowledge management traditionnel, c’est un peu comme une bibliothèque bien rangée. Vous y trouvez des documents, des procédures, des guides. Mais c’est à vous d’effectuer le travail d’interprétation, de synthèse, d’adaptation à votre contexte spécifique.

Le KM augmenté, c’est le bibliothécaire expert disponible 24h/24 et 7j/7. Il connaît vos besoins, anticipe vos questions, et s’améliore continuellement. Surtout, il ne vous donne pas des documents : il vous fournit des réponses et solutions contextualisées.

Concrètement, face à des questions comme “Comment gérer un client mécontent suite à un retard de livraison ?”, “Procédure de résolution d’incident réseau avec nos pièges spécifiques ?” ou “Checklist de déploiement chez un client bancaire avec les points RGPD ?”, l’assistant virtuel puise dans l’ensemble de la base de connaissances, identifie les solutions pertinentes adaptées au contexte précis, et propose même des réponses prérédigées. Le collaborateur valide, ajuste si nécessaire, et gagne un temps considérable.

Transformation 2 : de la corvée contributive à la participation naturelle

L’un des freins majeurs au partage de connaissances a toujours été la friction à l’entrée. Où classer ce document ? Comment le structurer ? Dans quel sous-répertoire de notre arborescence labyrinthique ?

L’IA générative change la donne en assistant toute la chaîne de contribution : intégration de documents existants, résumé automatique, amélioration de la rédaction, ajout d’illustrations, suggestion de structure de classement. Ce qui était perçu comme une corvée administrative devient un geste naturel. Chaque collaborateur enrichit le patrimoine commun sans effort excessif et développe la fluidité du service

Transformation 3 : de l’obsolescence invisible à la gouvernance proactive

Voici peut-être le changement le plus critique. Dans une approche traditionnelle, l’obsolescence des contenus est un angle mort. On peut tomber sur une procédure périmée, mais l’impact reste limité à un incident individuel.

Avec l’IA générative, “La notion de qualité devient fondamentale dans cette nouvelle ère”, insiste Gregory Culpin. “Lorsque je me base sur la réponse fournie par un assistant ou que j’engage des flux automatiques qui vont répondre à des dizaines ou centaines de clients, potentiellement une même erreur coûteuse se propage.”

Cette réalité impose une gouvernance beaucoup plus rigoureuse et proactive. L’IA peut détecter les contenus obsolètes, signaler les incohérences, suggérer des mises à jour. Elle devient un gardien de la qualité, là où auparavant c’était une responsabilité humaine souvent négligée par manque de temps.

Transformation 4 : de la gestion statique à l’amélioration continue

La gestion traditionnelle s’arrête à la publication. Souvent la connaissance stagne. Le KM augmenté crée une boucle de feedback permanente : interactions tracées, hallucinations détectées, sources corrigées à la base. Chaque gap identifié devient une demande d’évolution gérée comme un ticket, avec suivi du statut de production.

Ce pilotage transforme le knowledge management en une véritable discipline vivante. “Le téléphone sonne moins, donc en fait, tout le monde est content et du coup, on a plus de temps”, observe Pascal Coquerel. Moins d’appels, c’est la preuve tangible que la base s’enrichit et que les utilisateurs trouvent leurs réponses et apportent des solutions en autonomie. Les demandes terrain alimentent directement les priorités de création de contenus.

C’est ainsi que se construit l’antifragilité : chaque incident résolu enrichit la connaissance, qui facilite la résolution des prochains incidents, qui libère du temps pour améliorer encore la base. L’organisation ne subit plus les problèmes, elle les transforme systématiquement en opportunités d’apprentissage et de renforcement.

L’avenir multimodal du knowledge management augmenté

Au-delà de ces transformations, une dimension supplémentaire émerge : la multimodalité. En amont, la capture s’enrichit : vocal, visuel, vidéo, conversationnel. Un technicien filme son intervention, un commercial dicte ses retours en voiture, l’IA structure automatiquement.

En aval, l’accès se diversifie : intégrations ITSM/CRM/ERP, assistants conversationnels, API pour agents autonomes, notifications proactives. La connaissance vient à vous, au bon moment, dans le bon format. Cette multimodalité démocratise la contribution et maximise l’utilisation par tous les acteurs, humains comme artificiels.

Les résultats mesurables : performance et bien-être réunis

SPIE ICS a réalisé un audit rigoureux avant et après la mise en œuvre du dispositif et du programme de knowledge management soutenu par Elium. Les gains mesurés parlent d’eux-mêmes et révèlent une performance véritablement équilibrée.

KPIs opérationnels : gains de productivité mesurés

  • -73% de temps de recherche d’information
  • -25,5% de temps de traitement des incidents critiques
  • -30% à -40% sur les incidents traditionnels selon leur typologie
  • -44% de délai de mise à disposition de nouvelles connaissances
  • +65% d’amélioration de la qualité de la connaissance

Impact humain : turnover, formation et engagement

  • Turnover divisé par presque deux : de 29,6% postpandémie (2023) à 17,17% fin 2024
  • Formation accélérée : de 3 semaines à 2 semaines pour atteindre le niveau opérationnel

L’équilibre qui garantit la durabilité

Ces deux dimensions de la performance ne s’opposent pas, elles se nourrissent mutuellement. C’est précisément leur équilibre qui garantit la durabilité des résultats. Une optimisation purement opérationnelle aurait pu épuiser les équipes ; une approche centrée uniquement sur le bien-être aurait manqué d’impact business. Le KM augmenté crée les conditions d’une performance à la fois efficace et soutenable.

Dans un secteur confronté à un turnover élevé et à une usure professionnelle significative, ces chiffres témoignent d’une transformation culturelle profonde. « Aujourd’hui, les collaborateurs sont les acteurs et les moteurs de l’enrichissement des connaissances ainsi que du partage au sein des outils. Ce travail collectif et collaboratif valorise fortement le métier, tout en renforçant leur engagement et en accroissant leur sentiment d’appartenance », souligne Pascal Coquerel.

Le cercle vertueux de la stabilisation des équipes

Le défi de SPIE ICS est de stabiliser ses équipes et de garantir l’expérience des utilisateurs : un cercle vertueux aux multiples bénéfices. En réduisant le turnover, l’entreprise favorise l’accumulation d’une expertise précieuse, qui alimente une base de connaissances plus riche et structurée. Cette base améliorée facilite non seulement l’intégration des nouveaux collaborateurs en accélérant leur montée en compétences, mais elle contribue également à renforcer la cohésion et la motivation des équipes existantes. Par ailleurs, une meilleure satisfaction au travail se traduit souvent par une plus grande fidélisation des talents. Au-delà de ces avantages humains, ce processus renforce la robustesse organisationnelle. 

Connaissance et antifragilité : transformer chaque crise en opportunité

Dans un monde caractérisé par la volatilité, l’incertitude, la complexité et l’ambiguïté (VUCA), la connaissance devient un facteur de résilience organisationnelle. “On a tous des backups, des sauvegardes pour nos systèmes d’information, mais cette maturité est moins vraie pour la connaissance”, observe David Matrat.

Mais au-delà de la simple résilience, un système de knowledge management bien conçu crée de l’antifragilité : votre organisation ne se contente pas de résister aux chocs, elle en tire profit pour se renforcer. Chaque incident résolu nourrit la base de connaissances. Chaque départ de collaborateur devient une opportunité de capitalisation. Chaque crise alimente votre capacité à gérer la suivante.

Cette antifragilité repose sur une performance équilibrée. Une organisation qui optimise uniquement ses coûts ou sa vitesse finit par s’épuiser et devenir fragile. La robustesse organisationnelle émerge quand on équilibre performance opérationnelle et performance humaine, efficacité immédiate et capacité d’apprentissage, résultats court terme et durabilité. C’est cette recherche d’équilibre qui différencie les organisations qui subissent l’incertitude de celles qui la transforment en avantage compétitif.

Le patrimoine de connaissances mérite la même attention que vos autres actifs stratégiques. Vous investissez dans vos talents RH, votre parc immobilier, vos équipements. Pourquoi pas dans votre capital intellectuel ? Les enjeux sont multiples : anticipation des départs et crises, performance opérationnelle, bien-être collaborateurs, agilité organisationnelle.

Bâtir les fondations que l’IA exige de votre knowledge management

La gestion augmentée de la connaissance n’est plus une option. Voici les piliers à activer en priorité :

  1. Faciliter l’accès : vos collaborateurs doivent obtenir des réponses, pas chercher des documents.
  2. Réduire la friction contributive : si partager reste perçu comme une corvée, votre base restera pauvre.
  3. Instaurer une gouvernance proactive : la qualité et la fraîcheur des contenus ne sont plus négociables.
  4. Créer la boucle d’amélioration continue : chaque interaction doit alimenter l’enrichissement de la base
  5. Embrasser la multimodalité : la connaissance doit s’adapter au contexte de travail de chacun.

Mais attention : “l’outil ne fait pas tout”, rappelle David Matrat. “Il faut de l’engagement, du sponsoring, de la communication, des processus.” Un projet de KM augmenté est avant tout un projet de transformation culturelle, où la technologie est un enabler, pas une solution miracle.

Avant tout, posez-vous les bonnes questions : quel est votre niveau de maturité actuel ? Quelles sont vos sources de perte de temps ? Où sont vos angles morts et vos risques ? Comment anticipez-vous les départs de collaborateurs clés ?

Investir dans un “knowledge engine” : votre prochain avantage compétitif

Les résultats de SPIE ICS le prouvent : un knowledge management augmenté par l’IA transforme votre organisation. -73% de temps de recherche, turnover divisé par deux, formation accélérée. Dans un monde incertain, c’est peut-être aussi votre meilleur investissement stratégique.

Réalisez un diagnostic à 360° pour cartographier l’existant, identifier les zones de friction, et construire une feuille de route adaptée à votre maturité et à vos ambitions. Contactez-nous pour vous accompagner dans cette démarche stratégique.

Remerciements

Merci aux organisateurs de la Convention ADIRA, ainsi qu’aux intervenants dont les présentations ont directement inspiré cet article.

  • Gregory Culpin, Elium – Directeur conseil
  • David Matrat, SPIE ICS – Consultant et co-animateur du groupe Numérique Responsable de l’ADIRA
  • Pascal Coquerel, SPIE ICS – Responsable Développement Infogérance DAGE.
© ADIRA - Association pour le Digital et l'IT en Région Auvergne-Rhône-Alpes – Convention annuelle 2025

Articles récents